J'ai récemment participé à une réunion de partenariat qui a été l'occasion d'une rencontre entre membres cliniciens du Réseau pour la psychanalyse à l'hôpital et une partie de l'équipe du dispositif VigilanS. Ce dispositif a pour visée de repérer et recontacter les personnes qui ont tenté de se suicider. Ce dispositif met ainsi en place un système de suivi selon des échéances précises et veille à déterminer l'état de santé de la personne. L'aspect davantage préventif du dispositif est actuellement en développement.
C'est dans le cadre de cette réunion que j'apprends l'ampleur de la souffrance des femmes, parturientes et mères, à partir de ces chiffres :
"Les derniers résultats de l’ENCMM analysant les décès maternels survenus entre 2013-2015 montrent que 77 % des suicides maternels (n=27/35) se sont produits dans le post-partum tardif (3) et 23 % (n=8/35) dans les 42 premiers jours du post-partum 5. Quatre femmes (13 %) se sont suicidées à la suite du décès de leur enfant. Le délai médian de survenue du suicide en post-partum était de 126 jours, soit vers le 4ᵉ mois suivant l’accouchement. Ces données sont également décrites dans la littérature internationale, où plus de deux tiers des suicides maternels surviennent au moins trois mois après l’accouchement 4,10,11,12,13."(1)
Ces statistiques mettent en évidence le problème de santé publique que constitue le suicide pour les femmes qui, au cours du post-partum, traversent une période délicate qui ouvre la brèche à l'expression de souffrances. Souffrances qui, de toute évidence, n'avaient pas été soignées avant. Les institutions publiques appellent cela "morts maternelles".
Tous les jours, je reçois des femmes à ma consultation qui parlent de leur souffrance, sur le fauteuil pour certaines, d'autres sur le divan. Qu'est-ce qui constitue leur particularité qui les rendrait plus à même de choisir la voie du suicide ?
Il n'y en a pas de particulière si ce n'est la singularité avec laquelle, chacune, vit sa condition organique. Cette condition de femme fait traverser l'être par des moments de Réel, de puberté, de grossesses, de changements corporels qui ne sont pas obligatoirement des moments de souffrance. Si souffrance il y a, c'est à l'être d'en dire quelque chose en séance de psychothérapie de psychanalyse, avec toute sa singularité et comme tout un chacun, encombré de fantasmes et de symptômes. Cette parole de l'être - pour qu'elle ait un effet thérapeutique - nécessite une technique et des méthodes sérieuses. C'est là qu'intervient l'offre psychanalytique. Les pensées suicidaires, les idées noires, voire même les passages à l'acte, ne sont pas du tout exceptionnels dans ma clinique et dans celle de mes collègues, mais cela est parlé, dit, en mots et n'est pas traité à la légère par le clinicien ou la clinicienne. Des techniques psychanalytiques existent pour soigner cette volonté de mettre fin à ses jours. C'est grâce à ces techniques que le Dr de Amorim, président du RPH, nous informe régulièrement : pas de suicide dans la clinique des membres du RPH :
"La psychanalyse c’est du sérieux. Au sein de la consultation publique de psychanalyse, aucun suicide depuis septembre 1991. Je rabâche cela depuis des lustres aux autorités sanitaires, aux universitaires, aux psychologues, aux psychiatres, aux analystes. Pour quelle raison ? Parce que, en suivant les indications des patients de Freud et de Lacan, indications laissées par l’enseignement écrit et oral de ces deux cliniciens, je me suis attaché à faire respecter ces indications techniques aux cliniciens dont j’ai l’honneur et la responsabilité d’assurer la formation clinique et le forgeage stylistique." (2)
Ce qui rend cette clinique radicalement différente des autres - comme l'a rappelé Aubène Traoré lors de notre réunion - c'est que tous les membres cliniciens de cette École sont en psychanalyse personnelle. Cette dimension éthique et clinique est primordiale, elle invite à renoncer à la jouissance moïque pour soi-même contribuant ainsi à repérer la jouissance dans le discours de celui qui souffre et qui souhaite se suicider. La clinique psychanalytique propose à l'être de construire une autre voie, séance après séance, singulière et digne.
Cette brève constitue une invitation, aux professionnels qui souhaitent construire un partenariat, aux femmes et aux hommes qui pensent au suicide : vous pouvez me contacter au 06 52 76 94 73 pour organiser votre premier rendez-vous.
Sabrina Merabet, le 21 décembre 2024.
Pour davantage d'informations, je vous invite à lire la brève de Madame Traoré.
(1) Doncarli A, Gorza M, Gomes E, Cardoso T, Vacheron MN, Regnault N, et al. Suicide en période périnatale : données épidémiologiques récentes et stratégies de prévention. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(3-4):68-76. consulté le 18 décembre 2024 in https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/3-4/2023_3-4_4.html
(2) Amorim, (de) F. Symptômes cliniques et psychopathologie du passage à l'acte., brève du 9 février 2020, https://www.fernandodeamorim.com/symptomes-cliniques-et-psychopathologie-du-passage-a-lacte/ , consulté le 21 décembre 2024.
Les morts maternelles en France. Données clés issues du 6ème rapport de l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2013-2015.
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